AIS l'affaire était trop engagée pour qu'un inconvénient de ce genre fut de nature à l'arrêter. Les troupes devant former la colonne étaient concentrées, et le 29 octobre, débarqua, à Bône, le prince royal. Clauzel arriva le surlendemain ; le 2 novembre, un ordre du jour communiqué à l'armée, fit connaître la composition de la colonne expéditionnaire.

En même temps le maréchal adresse à la population de Constantine une proclamation inspirée par la conviction qu'elle s'est séparée de son pacha. Il lui annonce que l'armée sera logée dans les maisons, mais que toutes les mesures sont prises pour que les biens, les croyances et les personnes des musulmans soient strictement respectés sous la protection du drapeau de la France. Nous ignorons si cette pièce parvint aux destinataires et, par suite, quel fut l'effet de l'éloquence du Maréchal.

Voici la composition de l'armée expéditionnaire :

Infanterie :
59 e, 62e, 63e de ligne; 2e, 17e léger; Ier bataillon d'Afrique ;

Compagnie franche : 5.300 hommes
Génie. - 17 compagnies 650 hommes
Artillerie 545 hommes
Ouvriers d'administration et train 250 hommes
Cavalerie:
3e chasseurs d'Afrique, spahis réguliers et gendarmerie

895 hommes
Troupes indigènes :
Bataillon turc
Spahis irréguliers

300 hommes
200 hommes
Total: 8.040 hommes

Plus 30 officiers, formant l'état-major général.

L'effectif des chevaux et mulets, de selle et de trait, était d'environ 1,600 ; plus 400 mulets de réquisition.

L'armée fut, divisée en quatre brigades, sous le commandement en chef du maréchal Clauzel, assisté du duc de Nemours, qui prit la première brigade, et des généraux de Rigny et Trézel.

Le colonel Lemercier, du Génie, était directeur du siège, et le colonel de Tournemine commandait l'artillerie.

Berbrugger, secrétaire du maréchal, suivait l'expédition comme historiographe.

Le vieux général duc de Caraman avait obtenu la faveur d'en faire partie comme amateur.

Plein d'ardeur et de confiance, Clauzel communiqua à tous son entrain et ce fut dans ces dispositions que l'armée se concentra à Dréan. Mais les premiers jours de ce mois de novembre furent très pluvieux et, par suite de ce contre-temps, la tête de colonne ne quitta le camp que le 9.

Après divers incidents sans importance, l'armée se trouva réunie en entier sous Guelma le 15. L'avant-garde avait déjà pris possession de l'emplacement de la future ville ; on y éleva une redoute, en utilisant les ruines romaines, et un dépôt de vivres et de munitions y fut placé, sous la garde d'un bataillon d'infanterie.

Quant aux nombreux contingents indigènes promis par Yusuf et par les cheïkhs, on les attendit en vain. Les goums des Henanecha et des tribus voisines étaient bien partis, mais ils se tenaient à distance et l'on ne cessa de voir, sur les collines, les groupes de cavaliers refusant de s'approcher et gardant une attitude expectative jusqu'aux environs de Constantine.

Le 16 au matin, l'armée se remit en route. et continua sa marche, sans autres incidents que quelques escarmouches de cavalerie sur les flancs. A partir de l'Oued-Zenati, la pluie ne cessa de tomber ; lorsque la colonne atteignit les hauts plateaux, elle devint de plus en plus froide et se changea en neige. Plusieurs soldats moururent, de froid. Enfin, dans la soirée du 20, l'armée, rangée autour de ce monument antique appelé par les Arabes "la Soumaa", et que les troupes baptisèrent, on ne sait pourquoi, du nom de "Tombeau de Constantin" (derrière le Khroub), aperçut, entre deux ondées, la ville, qui; fut saluée de longues acclamations. On . voyait aussi, sur les mamelons de la rive gauche du Bou-Merzoug, la, cavalerie du pacha, se tenant hors de portée.

Le lendemain, 21, la colonne-descendit dans la vallée de l'Oued-Hamimim, et, comme ce ruisseau était démesurément gonflé par les pluies et la fonte des neiges, il fut très difficile au convoi de le franchir. Cependant, grâce au courage de tous, on sortit de ces fondrières et le gros de l'armée atteignit, dans l'aprèsmidi, le plateau du Mansoura.